A l’aube d’une nouvelle année, les évolutions et révolutions semblent partout s’accélérer. Pourtant, les dirigeants d’entreprises doivent toujours anticiper. J’ai donc posé la question à une vingtaine d’entre eux : dans votre position, qui vous conduit à devoir imaginer en permanence le futur de votre entreprise et de vos équipes, avez-vous déjà réfléchi au profil du manager de demain, qu’il soit lui-même le dirigeant ou travaille pour celui-ci ?

Le volume d’idées et d’illustrations rassemblées m’amène à les partager avec vous en 3 articles successifs :

  1. Des transformations majeures qui s’accélèrent génèrent de nouveaux schémas d’organisation des entreprises…
  2. … et de nouveaux modes de travail, qui conduisent le Manager à jouer un nouveau rôle,
  3. pour lequel il doit développer des qualités humaines précises, avant même de développer des compétences techniques et la maîtrise de nouveaux outils.

Des transformations majeures qui s’accélèrent…

 

Les marchés économiques se sont ouverts à l’échelle mondiale depuis longtemps. A l’exception de la récente situation à contre-courant du Brexit, la plupart des frontières s’effacent et favorisent la mobilité des salariés. La concurrence entre les entreprises est soutenue par les guerres économiques qui s’intensifient entre les grandes puissances. Les entreprises chercheront donc de plus en plus de managers multiculturels, polyglottes et ouverts sur le monde.

Les nouvelles technologies, notamment liées au numérique et à l’intelligence artificielle, accélèrent la production et le traitement des données de masse, permettent une communication mondiale et instantanée, rendent les informations rapidement obsolètes. Elles impactent tous les secteurs, privés et publics, tous les métiers, et tous les postes, en particulier ceux de managers. Selon une étude publiée par Dell et l’Institut pour le futur, 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore du fait de la révolution du numérique en cours. La demande de managers qui maîtrisent l’innovation et le numérique et qui sont hyperconnectés va s’intensifier.

Les entreprises se transforment de multiples façons, comme l’explique Cécile DEJOUX dans ses conférences : évolution naturelle, innovation, conception de nouveaux modèles économiques, etc… Elles auront donc besoin de managers adaptables et agiles.

Enfin, les attentes des salariés d’aujourd’hui sont très différentes de celles d’hier : le passage d’une génération qui était davantage dans la quête d’avoir et de construction matérielle à une génération qui est davantage dans la quête de l’être et du bien-être, amène une exigence de sens, d’épanouissement professionnel et d’équilibre entre vies professionnelle et personnelle, dans la conscience que nous ne vivons pas pour travailler. Comme le dit Véronique DEBORD, l’arrivée des milléniaux a changé la donne dans leur posture inédite «un jour ici, demain ailleurs, ce que je veux c’est donner du sens ». Désormais, priorité aux qualités humaines chez les managers.

 

… génèrent de nouveaux schémas d’organisation des entreprises

 

La structure verticale en silos héritée du siècle dernier, avec son approche tayloriste et sa segmentation des tâches, a cédé la place à des structures de plus en plus horizontales, transversales, collaboratives, agiles, tant dans les grands groupes que dans les start-ups. Sans doute le travail en mode projet des équipes d’ingénierie informatique au sein des sociétés de hautes technologies et des GAFA a-t-il favorisé cette évolution.

Cette nouvelle organisation est plus adaptée aux marchés économiques plus ouverts, où le mouvement s’accélère et où toutes les compétences doivent être mobilisées et adaptées en temps réel. Avec ses plateformes partagées et ses nouvelles technologies numériques de communication et de traitement des données (API par exemple),elle facilite la fédération des compétences en mode projet et l’innovation.

Cette organisation qui rapproche le dirigeant de ses équipes est également plus adaptée aux jeunes générations, qui rejettent l’exercice direct d’une autorité qui ne serait que l’apanage du sommet de la hiérarchie. Ainsi, Stéphanie GUITTONEAU a tout simplement placé son bureau au milieu de son équipe de jeunes collaborateurs. Elle s’est retrouvée dans le vif du sujet, totalement accessible à son équipe et immédiatement réactive sans passer par les mails. Cette décision a permis d’augmenter sensiblement son chiffre d’affaires.

La start-up SIKIIO va plus loin : à l’instar d’OM Conseil dirigée par Olivier Maréchal, l’un des précurseurs en la matière, elle va officiellement se structurer en sociocratie et non en schéma pyramidal. Le principe est de tout mettre à plat pour permettre une collaboration et une communication directes entre le PDG et ses collaborateurs. Le but est de fluidifier la prise de décision, trop souvent ralentie voire absente dans les organisations traditionnelles, en transférant au maximum le pouvoir de décision chez les collaborateurs. La condition de base est la confiance dans les compétences de l’équipe. La pression de la prise de décision ne porte plus seulement sur les managers mais aussi et surtout sur les collaborateurs : « mieux vaut que le pouvoir soit partagé à raison de 1% pour chacun des 100 salariés, que de le concentrer à 100% entre les mains du manager » (Hervé MASSION). Les risques psychosociaux sont ainsi lissés. Le facteur clé de succès est d’intéresser les collaborateurs aux résultats de l’entreprise, qui devient alors leur entreprise. « Cette structure peut générer 20 à 30 % de chiffre d’affaires supplémentaire et le « flicage » opéré par certains managers d’organisations classiques devient inutile ». La sociocratie serait ainsi un accélérateur. Les entreprises de grande ou moyenne taille peuvent mettre en place ce modèle, à l’instar d’ENGIE qui l’a fait sur des plateaux entiers avec d’excellents retours.

Toutefois, certains indiquent que « la sociocratie n’est pas réaliste dans les grands groupes, où les changements culturels et la transformation sont plus complexes » (Stéphanie BIAIS). Ils prônent en revanche un juste équilibre entre la liberté et l’organisation, entre le partage du pouvoir et sa centralisation.

Plus d’autonomie, plus d’écoute, plus d’humain, plus de sensibilité

 

En tout cas, la majorité s’accorde à dire qu’il faut désormais un management différent de celui du passé, ne serait-ce qu’à la lumière des 20 millions de salariés malades chroniques en entreprises et dans l’administration (source EDF et AG2R La Mondiale). Il faut mettre fin au management rigide et fermé, qui centralise le pouvoir et contrôle de façon excessive via des processus trop contraignants et un reporting souvent inutilement complexe, terreau du burn out. Il faut passer à « un management ouvert, qui donne des responsabilités, de l’autonomie et de la liberté de décision, plus à l’écoute de l’humain, plus sensible au bien-être dans le travail, plus disposé à accompagner les salariés dans leurs difficultés professionnelles et enfin plus attentif aux contextes de vie qui impactent forcément leur travail » (Jean-Luc PLAVIS).

 

 

 

Richard Lacroix

Remerciements

Un grand merci aux professionnels qui nous ont apporté leur expérience et leur point de vue, ainsi que leur temps précieux, et que je ne peux pas tous citer dans l’article

  1. Gilles ARNOUX, DG de BU
  2. Stéphanie BIAIS, Directrice communication MT du groupe NEHS & MNH
  3. Jean-Philippe COHEN, PDG de HA & Distribution
  4. Véronique DEBORD, Psychopraticienne chez Enjoypsy
  5. Frédéric GAZDA, Chargé de tutelle des agences de la filière du sang et dérivés à la Direction générale de la santé
  6. Stéphanie GUITTONNEAU, CEO de DIVAS FABULOUS
  7. Alain HERY, DG de Weboptician
  8. François JEANNE, General Manager / International Director Premium – Luxury FMCG
  9. Krotoum KONATÉ, Nutrithérapeute
  10. Julien LACAZE, Directeur « Future of Work » chez MANTU
  11. Eric LE GENDRE, Conseil de Dirigeants et Expert en réseautage
  12. Bruno LERAY, Président du Directoire du Groupe Courlancy
  13. Cesare MASSART, CEO de E Sana
  14. Hervé MASSION, CEO de SIKIIO
  15. Claire PERRIN, Chef d’entreprise
  16. Anaël PERTIN, Responsable Partenariats Stratégiques chez ActivCorner
  17. Jean-Luc PLAVIS, Coordinateur Responsable régional IDF de France Assos Santé
  18. Dina SOARES, DG de Vilageo.com
  19. Jean-Luc STANISLAS, Fondateur du site ManagerSante.com
  20. Charles VINOT PREFONTAINE, Directeur de clinique